JARO DEMBÉLÉ▸ y'a qu'à disney que les rats sont animés

( UN ) mon enfance n'a pas été facile, il faut l'avouer. Mais c'est peut-être aussi un peu de ma faute. Des parents trimant toute la journée pour nourrir leurs quatre enfants. Une attirance pour la rue, ses plaisirs, mais aussi ses dangers. J'avais les bancs scolaires en horreur, mais je me suis appliqué pour m'en sortir. Tout juste, comme toujours, rendant parfois les enseignants fous de rage. Ah la banlieue et les joies de l'enseignement. Mais j'ai de la chance, pour en revenir à mon enfance et à mes parents. Enfin je crois. Je me suis bien ramassé quelques claques et fessées, certaines bien douloureuses, mais mes parents se sont toujours démerdés pour que je mange à ma faim, pour que je ne manque de rien. ( DEUX ) même si je ne suis pas un adepte des salles de sport, je me considère comme quelqu'un de sportif. Un corps musclé et sec quoi. D'ailleurs, beaucoup n'auraient jamais pensé que je pouvais frapper aussi vite, bam poing dans la face. C'est dans les rues de Saint-Denis que j'ai connu mes premières bagarres, et autant dire que dans un milieu comme ça, il ne se passe pas une journée sans que ça cogne. J'ai su me faire respecter, tout simplement. M'entourer des bonnes personnes aussi, sûrement. Quoiqu'il en soit je ne suis pas quelqu'un qui a froid aux yeux, qui s'écrase devant une grande gueule. ( TROIS ) assez aventurier, un peu casse-cou et un brin maladroit, j'ai plusieurs fois été arrêté à la case urgences de l'hôpital. Quelques fractures minutes, notamment aux poignets, la plus grave fut l'année passée : en voulant fuir un policier en civil lancé à mes trousses, je suis tombé d'assez haut. Facture ouverte du tibia. Moche, la plus grande douleur de ma vie. Mais comme je suis un peu con sur les bords, j'ai repris ma vie de manière identique. La jeunesse et son insouciance. Sa connassité aussi. ( QUATRE ) J'ai toujours rêvé d'avoir un chien. Vous savez, un bon gros toutou, le genre que quand il marche à mes côtés, les gens s'écartent par respect. Sauf que mes parents n'ont jamais voulu, normal dans un si petit appartement et avec déjà tellement d'enfants à s'occuper, pas besoin d'un animal de plus. Un jour, je me suis promis. Mais pour l'instant c'est chaud, avec ce petit studio et le compte en banque pas très glorieux, je préfère attendre. ( CINQ ) j'ai un côté vivant particulièrement plaisant, du moins à mes yeux : je me vante d'avoir une vie sexuelle relativement active, et ce sans remords ni honte. J'aime ma jeunesse, je veux en profiter, et je suis bien monté, donc pourquoi m'en priver ? Il n'est pas rare que je rentre de soirée accompagné, me réveillant au petit matin (ou tard dans l'après-midi, ça dépend) aux côtés d'une inconnue. Ou d'un joli gars, parce que ça m'arrive aussi. Même si de ce côté, je ne le hurle pas sur tous les toits de Paris, les préjugés sont encore trop féroces par ici. ( SIX ) j'adore manger. Je mange tout le temps. Je mange de tout. Salé, sucré. Sauf que je cuisine comme un tayo, et du coup c'est presque toujours immonde. Alors je bouffe des plats préparés, je fais des sandwichs ou des trucs vite fait. Ou plus simple encore, je me fait livrer, je passe dans les fast-foods du coin, c'est plus facile. Et c'est meilleur que si c'était moi le cuistot. ( SEPT ) je suis phobique aux poules. Rigolez pas ou je vous éclate. Petit, je visitais une ferme avec l'école. Le truc cool, les gamins de banlieue visitant la nature, tout le tralala habituel. Sauf qu'explorateur en herbe, je suis entré dans un poulailler. La porte s'est refermée, je suis resté deux heures coincé dans le noir, avec ces créatures de l'enfer caquetant tout autour, me sautant dessus et tout. Depuis je les évite comme la peste, vraiment. ( HUIT ) j'ai l'habitude depuis l'adolescence de ne dormir que très peu. Cinq à six heures par jour, maximum. Du coup je peux donner l'impression de toujours être fatigué, et mes amis s'amusent à dire que je suis capable de faire des siestes n'importe quand, n'importe où. C'est vrai. Mais il y a tellement de choses à faire que si je dormais plus longtemps, j'aurais l'impression de perdre du temps. ( NEUF ) malgré tout ça, je ne suis pas quelqu'un de méchant, je suis pas une de ces terreurs des banlieues. Plutôt bon vivant, j'aime faire la fête, m'amuser, passer du temps avec mes amis, ce genre de trucs. D'accord, je ne suis pas un jeune étudiant avec un futur assuré, mais c'est pas grave. Sans prises de têtes, j'avance chaque jour, ne me préoccupant que peu du lendemain. Loyal et souriant, je pense être quelqu'un d'apprécié. ( DIX ) il y a un truc dont je ne suis pas fier du tout, et que très peu ne soupçonnent ne serait-ce que l’existence. Une page plus que noire de mon adolescence. Deux bandes rivales, à la haine féroce, à la revanche violente. Une rencontre organisée. Battes, couteaux, et autres barres de fer. Une nuit sans lune, dans une ruelle déserte. On a gagné. On était fiers, des types laissés en sang derrière nous. Des blessés parmi nos rangs, on se prenait pour des soldats rentrant victorieux au bercail. On a apprit deux jours plus tard que Jonathan, ce con au nez trop gros et à l'arrogance bien trop perchée, s'en était allé dans son lit d'hôpital, de lésions internes. Personne n'était jamais remonté jusqu'à tout. Ça fait trois ans maintenant. Je me réveille encore parfois en sueur, les souvenirs m'assaillant l'esprit. ( ONZE ) je me suis tatoué deux fois. Un tête de lion géométrique sur l'avant-bras droit, incarnant pour moi la force, la jungle que j'ai appris à maîtriser. Une tête de loup dans le même style, symbolisant ma bande de potes, ceux pour qui je donnerais ma vie. ( DOUZE ) si je bois, en soirée surtout, avec des amis, pour fêter quelque chose, devant la télé ou des trucs c comme ça, je ne me suis jamais drogué. Bon d'accord, un joint de temps à autre, parfois j'achète et je revends parfois au coin de la rue, mais sinon je suis plutôt clean. Même la cigarette, j'ai essayé une fois, et j'ai eu l'impression de mourir étouffé, donc je n'ai jamais commencé. Et c'est quelque chose dont je suis plutôt très fier.