Encore. Encore. Toujours ses mêmes voix s'infiltrant entre les murs, atteignant chaque recoin de notre maison et me rendant fou. Je bouchais mes oreilles tant que je le pouvais mais quand on a sept ans, on se rend bien vite compte que ça ne suffit pas. Qu'on s'était bercé d'illusion en pensant que ça aiderait. Qu'on s'était bercé d'illusion en pensant que tout pourrait s'arranger entre papa et maman. Soudainement, assit dans mon bain, je fini par m'immerger complètement et c'est alors que seul le silence se faisait entendre. Plus rien. J'entendais l'eau et les mouvements que je faisais. Ma respiration. Un calme paisible. Du moins jusqu'à ce qu'une main puissante m'attrapant par le cou me ramenait à la réalité.
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Mais qu'est-ce que tu fais ? T'es bien comme ta chienne de mère, incapable de se tenir correctement !
Tout mouillé, je regardais en direction de l'encadrement de la porte de la salle de bain, voyant ma mère honteuse avec ses équimoses un peu partout sur le visage, au cou.. Baissant les yeux sur le rebord du bain, je n'osais pas regarder en face l'homme qui battait ma mère avec plaisir. A l'a détruire sans que je ne puisse rien y faire avec son haleine puant aisément l'alcool. Et sans m'y attendre, je me recevais une claque de la part de mon père, m'expliquant que cela devait me servir de leçon. Il se levait alors vacillant, prenant appui contre le mur. Une fois parti, étonnement ma mère se précipitait sur moi, me couvrant de câlin et de bisous comme pour excuser l'acte de ce dégénéré. Mes yeux s'embrumèrent rapidement, laissant bientôt couler quelques larmes dans un silence religieux. Elle n'était pas la seule à se prendre des coups, par moment c'était aussi de ma faute. Ma naissance, une connerie soit disant. J'avais le droit au même rabaissement psychologique. Mais ma mère était auprès de moi, toujours là pour me consoler. Un ange parmi l'enfer.
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Terré dans ma couverture, coincé entre mes draps chauds, je lovais grandement mon oreiller et pourtant je n'arrivais pas à fermer l'oeil. Je regardais mon petit frère dormir à l'autre bout de la pièce, voyant son poignet tendu sur son lit d'une couleur violette. Même si je m'opposais souvent à mon père pour prendre les coups à sa place, Soren avait le droit à la colère de ce père alcoolique. En tant que grand frère, c'était insupportable, je sentais qu'il méritait mieux, et tellement plus qu'une vie dans ce quartier de merde. Fermant les yeux, j’essayais de dormir, chassant cette idée de la tête même si elle m'obsédait. Je voulais tellement partir, nous sortir de cette maison où nous vivions pas, mais survivions comme nous pouvions. Somnolant, c'est seulement quelques minutes plus tard que je me réveillais par un bruit dans le salon, pensant dans un premier temps à l'autre soûlard, je ne bougeais pas trop heureux de ne pas faire face à son regard de connard. S'en suivit un coup de feu, et des cris. Étonné, surpris, je me dirigeais à présent en courant dans la pièce en question, tombant alors à genoux en voyant la scène d'horreur. La lumière a présent allumé, ma mère près du corps de mon petit frère, et mon père à la porte, celle-ci se trouvant grande ouverte. Je déglutissais péniblement en voyant le corps de mon frère à terre, sans vie. Un trou dans la poitrine. Je ne pouvais pas y croire, je ne voulais pas y croire. Du haut de mes dix ans, je pleurais, allègrement, comme un enfant, oui comme telle puisque je n'avais plus l'impression d'en être un. Les larmes dévalaient mes jours, je voulais crier mais je n'y arrivais pas. Voulant rester fort, à cette âge là, j'avais appris à ne plus montrer la moindre faille, ou bien mes faiblesses. J'avais mal, un trou béant et désagréable s'était crée dans ma poitrine. Dévasté.
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Un de moins, c'est pas plus mal comme ça.
Mes yeux lancèrent des éclairs face à cet ivrogne qui venait d'approuver la mort de son propre sang. Une colère, la rage s'emparait alors de moi, me poussant à venir jusqu'à lui et avec ma force de mouche à lui lancer un coup au ventre. J'avais pris beaucoup plus en retour. Mais je n'avais jamais regretté cet acte si délivrant. Finalement frapper, je pouvais le faire contre lui et je promettais qu'un jour, quand je serai grand, il serait le premier à connaître mes coups. Peu de temps après, j'apprenais que c'était l'oeuvre d'un cambrioleur, d'un con une fois de plus pour lequel je vouais une haine immense. Soran avait sûrement voulu protéger la maison, se battre comme je lui avais appris pour se défendre, mais quelle défense face à une arme ? Péniblement, je lui avais jeté une rose lors de son enterrement. Les bleu sur son bras avaient été déduit par des policiers incompétents étant arrivées durant l'altercation, ce que je savais faux. Mais sous le choc, je n'avais pas réagit. Surmonter son absence m'étais encore impossible.
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24 Avril 2010 - Date dont je me souviendrai toute ma vie. Mon père avait enfin rendu l'âme, et bien plus vite que je ne l'aurai cru. Mais la délivrance était là. Pour ma mère aussi d'ailleurs. Plus de coup, que d'amour. Je n'arrivais pas à croire qu'elle avait tenu jusque-là, sans un moment de faiblesse, sans mourir sous ses mains. Peut être que le cancer en phase terminale avait aidé. La vie nous ouvrait enfin ses bras. Je ne suis pas allé à l'enterrement, il pouvait bien crever, je m'en foutais royalement. Je ne comptais pas jouer le rôle du fils pleurant la mort de son géniteur. Il l'avait mérité.
30 Juin 2012 - Je me retrouve là, dans un smoking flambant neuf que je ne pensais jamais porter devant une horde de personne toutes assissent gentiment sur leur banc. Des fleurs de toutes les couleurs, un marié fortuné et une mère le prenant pour époux. On se croirait dans un Disney. Sauf qu'il est réel celui-ci, une femme travaillant très dur comme gouvernante, attendrit par le maître de ses propres lieux. Finissant par la demander en mariage. Une merveilleuse vie s'offrait à moi avec ses codes et les règles à suivre. Je devenais héritier grâce à ce mariage sans même l'avoir une seule fois rêvé. Ma mère l'épousait, et j'épousais sa fortune. Sans même le connaître, la belle vie. Paname semblait à présent plus paisible, et d'autant plus dans ce palace nous appartenant à présent.