Alice Delcourt ▸ Cailin Russo

✲ CANCER Ouais, c'est dur pour un commencement, mais c'est pourtant par là que tout a commencé. Les médecins emploient des mots trop compliqués pour une gamine de 4 ans, mais c'est celui-là qui reste. Expliqué maladroitement par un frère pas suffisamment âgé pour comprendre non plus. Ce sont les poumons qui sont touchés, pourtant sa mère ne fume pas. Mais au fond, les causes et les explications importent peu pour ceux qui restent. Tout ce qu'ils voient, c'est qu'un jour elle n'est plus là. ✲ PÈRE Figure paternelle bancale, presque manquante. Ils savent pourtant que ce n'est pas de sa faute, que la mort de sa femme l'a dévasté. Comme beaucoup d'autres, il noie son chagrin dans l'alcool, y mélange stupidement des anti-dépresseurs. Il a successivement perdu son boulot et du déménager, sans jamais avoir l'air de s'en soucier réellement. Tendances à la limite du bipolaire, il a toujours eu des propos violents mais n'a jamais levé la main sur ses enfants. ✲ FAMILLE L'autre, la vraie, celle qui est là, celle qui compte. Les liens qui se créent dans l'adversité sont sans doute plus solides, parce que les trois mômes sont soudés. Enfants, ils ont peu de querelles, leurs têtes sont déjà trop lourdes de soucis d'adultes pour qu'ils puissent se permettre les broutilles enfantines. ✲ HUGO Le frère aîné qui couvre ses sœurs, fait rempart face à la violence du paternel. C'est un musicien, un artiste, la tête pleine de rêves de gloire et de fortune. Et contre toute attente, pourtant, c'est lui, le pilier, qui les abandonne. Qui s'envole à 21 ans pour les Etats-Unis, avec un sac à dos et la furieuse envie de vivre autre chose. ✲ LOLA La sœur cadette, le génie. Celle qui réussit, qui marche la tête haute malgré les embuches. Celle qu'il faut protéger, dont il faut couvrir les yeux pour qu'elle ne voit pas la violence et la noirceur du monde. Celle qu'il faut aider à s'élever, à laquelle il faut offrir une autre vie, parce que c'est la seule dont l'innocence ne semble pas tout à fait brisée. C'est celle qui obtient ses diplômes avec mention, et qui est admise dans les grandes écoles. ✲ ALICE L'enfant brisée, haïe du père parce qu'elle ressemble trop à sa défunte épouse. Celle qui se retrouve soudain avec tout le fardeau de la famille sur ses épaules quand Hugo les abandonne. Elle n'est pas douée à l'école, elle ne sait que dessiner, s'asseoir au fond de la classe et griffonner sur un carnet. Elle est assez lucide pour savoir qu'il n'y a pas l'espoir d'une autre vie pour elle. Pourtant, elle a assez d'instinct de survie pour trouver refuge dans l'imaginaire, et quand celui-ci est trop abîmé, elle s'aide de la drogue pour retrouver le chemin. ✲ RÊVE Malgré son enfance difficile, Alice a toujours eu une imagination particulièrement vive. Elle se perd des heures durant dans ses pensées, peut passer un temps infini murée dans un silence qui ne dérangera que vous mais ne l'embarrassera pas une seule seconde. Si l'activité qui lui permet le plus d'exprimer cet aspect de sa personnalité reste le dessin, elle passe également un temps fou à lire ou à écouter de la musique. Tout ce qui peut la couper du monde, en somme. ✲ PARIS La ville lumière, celle où elle s'échappe quand Lola part faire ses études à l'étranger. La terre promise, emplie de ces douces illusions auxquelles elle veut croire. Elle trouvera du boulot, dans un cabinet d'architecte, une école d'art, une agence de stylisme, n'importe où tant qu'elle peut dessiner. ✲ DÉSILLUSIONS Parce qu'Alice ne sait rien faire, qu'elle n'est pas diplômée, et qu'en plus de ses factures il faut qu'elle paie les études de sa sœur, qu'elle envoie de l'argent à son père aussi. Hugo aide, mais il aide peu. Alors Alice n'a pas le choix, de jour elle sert des cafés, de nuit elle se fait embaucher en tant que strip-teaseuse à L'Interdit, parce que la clientèle aisée laisse des pourboires généreux. ✲ LIGNE ROUGE Celle qui l'effrayait à ses débuts, et qu'elle a pourtant allégrement franchie depuis un an qu'elle bosse ici. La première fois qu'on lui demande un show privé, elle refuse catégoriquement. Mais l'homme revient, propose plus d'argent. Assez pour qu'elle ne puisse pas refuser. Elle commence ainsi à vendre son corps sans même qu'on l'y ait forcée. Mais le cercle vicieux est enclenché et c'est bien contre son gré qu'elle continue. ✲ ÉCHAPPATOIRE L'alcool, les drogues, tout est bon à prendre. Parfois, elle s'en veut de reproduire les erreurs de son père en tentant d'annihiler la douleur dans du bonheur artificiel et éphémère. Mais c'est la seule façon qu'elle a trouvé de tenir, de ne pas flancher, d'oublier les corps trop nombreux qui prennent possession du sien. Elle essaie de ne pas abuser, de se faire croire qu'elle peut gérer. De l'herbe, de l'ecsta ou du LSD de temps en temps, de l'alcool plus souvent. Mais rien de plus dur. Pour l'instant elle tient comme ça, s'évade dans des illusions qui n'ont de sens que pour elle et qui l'isolent finalement du monde extérieur.