(3/3) ▸les bafoués

Aglaé et Thaddée se sont connus à douze ans, quand ils se sont retrouvés dans la même classe. Elle débarquait de province, lui de Cuba, les deux nouveaux qu'on avait décrétés indésirables. Ils s'en sont pris plein la gueule, grâce à la gentillesse légendaire des gamins, et ils se sont bien vengés ensuite, montant les quatre cents coups et se retrouvant trop souvent chez Monsieur le Proviseur. Meilleurs amis pour la vie, qu'ils avaient gravé sur l'arbre qui trônait en plein milieu de la cour de récré. Mais tout le monde grandit. A dix-huit ans, Aglaé commence des études, Thaddée devient fleuriste, elle le soutient quand sa mère le met à la porte et l'héberge un moment. Ils ne se lâchent toujours pas d'une semelle, mais y'a Alexeï qui entre dans l'équation, le beau Russe qui suit les mêmes cours qu'Aglaé, elle tombe amoureuse, ils se mettent ensemble. Et Thaddée fantasme un peu trop sur le mec de sa meilleure amie. Quand elle réalise, c'est le début des tensions, des mots plus secs, des regards suspicieux. Puis Thaddée arrive à ses fins, un jour où, Aglaé en vacances chez sa famille, Alexeï échoue un peu trop facilement dans ses bras. Il avait pas trop prévu qu'il balancerait tout à sa chérie dès le lendemain. Plus d'Aglaé dans sa vie.
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C'est Antonin qui a découvert la liaison de son père, juste après sa mort. Un texto de Thaddée qui demandait où il était, puis les centaines d'autres qu'il avait fait défiler du pouce, les tu me manques, les j'ai envie de toi et les mots bien plus crus, les photos dégueulasses et les réponses de son père dont il n'avait pas pu décrocher les yeux. Il n'avait rien dit, d'abord, il avait tout gardé pour lui, pour ne pas rajouter à la peine de sa mère et de sa sœur, pour les préserver. Il n'avait pas prévu que son père s'était épris au point de foutre sa pute sur le testament, que le jour de la lecture, il y aurait Thaddée assis à côté d'eux trois, Thaddée sur lequel il s'était jeté pour l'étrangler, lui arracher les yeux, le tabasser. On l'avait retenu à temps et c'est sa mère qui avait giflé trop violemment, sa mère qui ne bouge plus du divan, à présent, un martini toujours à la main. Sa sœur qui pleure tous les soirs sans en parler. Puis y'a Thaddée qu'il arrive pas à oublier, les larmes ravalées et la honte qui se lisait sur son visage, alors il l'espionne un peu, se détourne des études pour le suivre, curieux de savoir ce qu'il pouvait bien avoir de si merveilleux pour risquer de faire s'effondrer leur famille si parfaite, la réputation que leur père avait bâtie de rien. Thaddée qui remettrait son costume de séducteur s'il savait, pour garder un peu de Maxence dans sa vie.  
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Comment dire ? Depuis qu'à peu près tout le monde sait que son père de quarante-cinq ans se tapait en secret un petit Cubain de vingt-deux, la réputation de la famille Messeulier en a gravement pâti, et il ne se passe pas une soirée sans que Solange ait droit à des allusions moqueuses. Alors que son père est mort. Dans un accident de voiture. En allant retrouver sa putain. Sa mère qui est tombée en dépression, son frère qui pète un câble, le Cubain qui rapplique à la lecture du testament - de quel droit ? Et il a hérité d'une part, en plus. Elle le hait, évidemment, elle le tient pour responsable de la mort de son père et elle ferait n'importe quoi pour s'en débarrasser, pour faire taire toutes les rumeurs trop fondées qui circulent sur son défunt papa chéri.