trouble de la personnalité bordeline.
ils ont dit trouble de la personnalité bordeline.
ça a résonné dans toute la maison comme le son d'un gong malvenu.
bordeline
le silence et maman avec son visage tout blanc, très très blanc
(et normalement il est pas très blanc, le visage de maman)
puis les larmes. (beaucoup)
bordeline, on comprend tout maintenant.
et moi je regarde mon petit bout de monde qui tombe en poussière sans rien y comprendre, parce que ça veut dire quoi bordeline ?
qui c'est, celui qui a décidé que je serais bordeline ?
c'est comme ça alors ?
on te colle une étiquette sur le front et c'est fini ?
ta vie est finie ?
putain si j'avais su je me serais étranglé avec le cordon ombilicale.
(je rigole)
y a des mots qui s'alignent sur le dossier couleur merde du docteur mason. des mots qui sortent comme des insultes sur le papier à petit carreaux violets,
des mots comme dépression, dénis, psychose, hallucinations. des mots qui me menacent toujours un peu plus, des mots au goût amer dans le fond de la gorge,
le genre à vous foutre la chiasse dans les intestins. tellement de mots. des mots pas beaux.
mais qui les a choisi, ces mots ?
pourquoi est-ce qu'ils me correspondraient, ces mots ?
(parce que je suis pas d'accord moi)
alors moi j'effaces les mots à coup de cigarette, parce que j'ai encore le droit de les fumer, les cigarettes.
parce qu'elle ne me rendent pas sauvage.
j'ai pas envie de taper sur les gens avec les cigarettes.
(ça m'arrivait souvent avant)
j'ai pas non plus envie de sauter par la fenêtre.
enfin pas souvent.
tu crois que les mots ont une influence sur les gens ? (pas moi)
ils m'aiment pas trop, ceux qui ont écrit les mots, parfois je vois la peur dans le regard des gens.
je comprend pas, parce que je suis pas si méchant que ça moi, enfin je crois pas.
je prend plus d'mdma
plus d'acide non plus
de coke, d'extasie
plus rien de tout ça
même pas une bière tu vois
parce qu'ils disent que je vais me tuer sinon
je sais pas si je les crois
mais je fais attention
je veux pas sauter une deuxième fois,
enfin pas souvent.
(ça arrive)
y a des choses dont je me souviens pas vraiment, comme le coup de l'immeuble, celui qui m'a envoyé dans la maison blanche avec des docteurs et des fous dedans.
je me souvient du début de la soirée,
je me souvient de la md qui brûle dans la narine et des yeux de la fille qui suçait ma bite avec son rouge à lèvre rose pute.
Puis après y a le noir.
Et le réveil, sur le lit de l’hôpital,
avec le visage tout larmoyant de maman,
avec la colère qui volait comme des éclairs au dessus de la tête de simon
(mon frère)
ils disent que j'ai sauté,
que j'ai voulu me suicider, ils m'ont demandé pourquoi
(pour de vrai)
mais je sais pas, moi, je me souviens pas.
je veux pas être fou moi, je veux pas,
alors je suis sorti de la maison
je suis normal, c'est tout les autres qui sont différents
les mots c'est pas important.
(je crois)
Si tu me demande ce que j'aime je dirais que je sais pas.
je sais pas, j'ai jamais vraiment trouvé quelque-chose qui me fasse brûler le ventre,
j'aime bien fumer des cigarettes, mais je crois pas que ce soit une passion.
j'aime bien skater, mais je suis nul alors je le dis pas.
j'aime bien la musique aussi, mais je sais pas chanter
je sais pas, j'aime beaucoup de chose, mais rien en particulier
enfin si y a la vidéo, ça la vidéo j'aime vraiment
beaucoup beaucoup comme dans les films
mais ça compte plus trop parce que je suis en train de chier mon année.
(ils ont dit que c'est la dépression qui fait ça)
parfois je repenses à tout ça pour essayer de comprendre mais ça marche pas.
(le soir de l'accident, quand j'ai sauté du toit)
je sais pas ce qui s'est passé parce que je m'en souviens pas, j'étais défoncé
puis bourré aussi.
je sais qu'il y avait des lumières arc-en-ciel
puis y a la fille qui m'a sucé la bite
et après je sais pas
mais j'ai sauté je crois
après ça, tout a changé.
ils m'ont enfermé chez les tarés
un an comme ça.
et depuis tout le monde me regarde comme une bombe prête à exploser.
(pauvre moi)
l'avenir ? j'en ai pas la moindre idée, j'y ai jamais vraiment pensé
dix ans c'est long quand même, il peu se passer tellement de choses en dix ans.
j'arrive pas à me projeter dans dix ans, t'y arrives toi ?
dans dix ans je serais juste moi
(j’espère)
dans dix ans... je sais pas.
ma vie ressemble à un pot-pourri
un gros fouillis de plein de choses qui s'accumulent, qui s'entasse, sans vraiment avoir de sens.
j'aimerais bien qu'elle ai un sens ma vie.
les choses ont toujours tendance à m'échapper,
c'est comme essayer d'attraper de l'eau entre les doigts.
les docteurs ne comprennent pas
maman non plus.
parfois j'ai envie de crier très fort, très très fort
(comme dans les films)
ou de cogner sur un inconnu dans la rue
(mais je le fais plus trop ça)
et simon me donne des claques sur les joues.
simon c'est mon frère.
C'est peut être pour ça qu'il a toujours été là,
comme une ombre ou un rayon de soleil, ça dépends des jours.
même s'il ne veut pas le dire je crois que simon m'aime bien,
moi je sais pas trop.
je l'aime bien, mais pas trop non plus parce qu'il est très compliqué simon.
il fait des choses que je ne comprend pas.
il cris tout le temps et moi ça me met les nerfs comme des scoubidous
puis simon frappe fort sur les murs et ça résonne dans ma tête
mais des fois j'aimerais bien être simon.
parce que simon il a des amis, des amis normaux.
(moi j'ai manu et sara mais sinon c'est un peu compliqué)
simon il est beau.
(j'aime)
simon il sourit, et il a toujours pleins de filles dans son lit,
même adeline.
(j'aime pas)
adeline c'est ma plume à moi.
mon pétal de rose. mais elle le sait pas.
adeline elle a des bras tellement fins qu'on dirait des ailes,
puis parfois elle danse sous le soleil et vraiment je trouve qu'elle ressemble à un oiseau,
alors je tombe amoureux de son poids-plume.
adeline elle est si légère qu'elle pourrait s'envoler, mais son cœur est tellement lourd qu'il l'a maintient au sol,
comme pour les enfant dorés.
elle parle pas beaucoup, mais je m'en fiche, on se comprend sans les mots.
j'aimerais bien la rendre moins triste, adeline.
elle cache les cicatrices de ses poignets sous des t-shirts à manches longues et je trouve ça dommage moi,
parce qu'elles sont belles ses cicatrices.
adeline je l'ai rencontré dans le foyer de l’hôpital des fous, elle était toute seule dans le fond
avec ses grand yeux comme des soucoupes volantes et son corps tout maigre comme une brindille qui dansait dans la lumière des néons blancs.
y en a beaucoup qui la trouve moche adeline avec ses airs de papillons de nuit, mais moi je l'ai toujours trouvé jolie.
adeline j'en suis amoureux (pour de vrai)
mais je lui dit pas, parce que la nuit elle dors dans les bras de simon
pourtant elle me l'a dit un jour, qu'elle était amoureuse de moi
je comprend pas.
de toute façon j'ai eu trop peur alors comme un con j'ai rigolé,
puis j'ai rien dit et j'ai bu mon whisky-coca.
mais toutes les filles veulent dormir avec simon.
adeline dit que je suis son ami parce que si j'étais son amoureux on se casserait tous les deux.
alors elle fait l'amoureuse avec simon, et elle me fait mal au coeur parfois
ça fait comme un couteau qui pique, et ça saigne en dedans
puis après ça s'en va et elle me sourit encore une fois.
adeline elle ne s'aime pas.
Maman non plus elle ne l'aime pas.
elle dit qu'adeline n'est rien qu'une petite pute squelettique,
elle dit qu'elle devrait pas tourner autour de ses garçons comme ça,
mais maman elle comprend pas.
maman a jamais rien compris de toute façon.
maman elle sait juste pleurer, mais elle me parles jamais de ce qui ne va pas.
c'est pour ça que j'habite avec manu et sara,
parce que maman elle m'en veut je crois, de pas être parfait.
c'est pas ma faute à moi, mais elle comprend pas.
les filles disent qu'on s'en fiche, que c'est pas grave, alors je souris et je hoche la tête.
(même si en vrai j'ai envie de pleurer)
manu et sara c'est un peu mes meilleurs amies
(pas qu'un peu en fait mais je suis timide alors je le dis pas).
nou trois c'est une histoire qui dure depuis toujours
ou alors depuis dix ans je sais plus
je sais plus ce qu'était ma vie avant elles, parce que dans la nuit elles sont toujours là pour moi.
manu et sara c'est des pestes, mais je les aimes comme ça
trois êtres imparfaits qui se colmatent les fissures.
pourtant elles savent pas pour adeline et le trou dans mon coeur
parce que j'arrive pas à en parler, même à elles.
j'ai beau les aimer jusqu'aux étoiles les mots sortent pas, comme si y avait un poid sur ma langue.
même aux filles, je n'en parle pas.
(des envies de sauter du toit.)
ma vie c'est juste un gros pot-pourri
avec des morceaux un peu étrange, de bouts de monde, des bouts de gens
qui s'assemble dans un grand fouillis bruyant et sans nom
et parfois ça sent bon.