LAETITIA ANGELI ▸ Marie Avgeropoulos

tu n'as plus la moindre famille en France. ton père est mort, ta mère est partie vivre à l'autre bout du monde avec son nouveau mari et tu es fille unique. ≈ tu fais très attention à ta ligne, tu manges assez sainement et tu ne bois de l'alcool qu'à de rares occasions. ≈ tu es assez sportive, tu t'efforces d'aller courir trois à quatre fois par semaine et tu vas souvent retrouver des connaissances pour aller jouer au football le dimanche aprem. ≈ tu aimes autant cette ville que tu la détestes. C'est ici que tu as grandi, pourtant cette ville est le symbole même de ton échec. ≈ tu as déjà été arrêtée une fois pour consommation de drogues, quelques jours plus tard tu allais être libérée et ta mère décidera de te mettre à la porte ≈ tu ne manques de rien, tu as touché une partie de l'héritage de ton père à l'âge de dix-huit ans et tu as de quoi vivre des jours heureux, pourtant tu ne te vois pas rester les bras croisés à ne rien faire de tes journées. ≈ l'écriture est ta grande passion, dès l'âge de quatorze ans tu te retrouvais à écrire de petites nouvelles pendant les cours, tu as toujours eu du talent, mais visiblement pas assez pour percer au plus haut-niveau, condamnée à te cantonner à des œuvres fructueuses mais dépourvues du moindre intérêt à tes yeux. ≈ tu as encore du mal à digérer ton retour à Paris, tu as pu y retrouver de vieux amis mais tu ne cesses de te dire que si tu es ici c'est que tu n'es pas à New-York à promouvoir tes livres et à devenir une star internationale. peut-être qu'un beau jour tu finira par l'accepter... ≈ Tu possèdes deux tatouages et une petite dizaine de piercings ≈ Tu N'as plus revu ta mère depuis maintenant deux longues années mais vous vous parlez de temps à autres via skype, tu évites généralement de parler à ton beau-père, tu ne l'aimes pas vraiment. ≈ Tu n'aimes pas la viande rouge, ni le thon, autrement tu n'es pas vraiment difficile. ≈ Tu participes régulièrement à des manifestations pour défendre les droits LGBT, tu en profites d'ailleurs pour ne pas rentrer seule chez toi...

Trois ans. Trois longues années passées à New-York, à vivre ton rêve américain, à t'imprégner de cette ville et de ses habitants. Tu as tout fait pour y rester, tu as remué ciel et terre en espérant un coup de main du ciel, mais en vain... Dur retour à la réalité, ta piètre tentative d'écrire un roman digne de ce nom s'est soldée par un lourd échec. La presse t'as descendu en flèche, tu ne tardais pas à comprendre que tu allais devoir t'en tenir aux fictions pour jeunes adultes, des bouquins qui se vendent comme des petits pains mais qui ne te permettent pas vraiment de t'épanouir autant que tu le voudrais. Tu n'avais plus aucune raison de rester à New-York, tes rêves s'étaient envolés et tu décidais de retourner vivre à Paris, cette ville où tu avais passé déjà plus de la moitié de ta vie. Un retour au sources qui laissait forcément un goût amer, une ville qui allait injustement faire les frais de ton échec.
Tu allais élire domicile dans un hôtel moyen de gamme à ton retour le temps de te retrouver un endroit où vivre, tu allais y passer une longue semaine, tu allais y ruminer, tu allais rager en silence. Tant que tu te trouvais à l’hôtel tu ne te considérais pas encore vraiment de retour, tu n'avais d'ailleurs pas encore pris la peine de prévenir tes nombreuses connaissances. Mais dès lors que tu allais te trouver un joli appartement, tu comprenais alors que ta vie allait redevenir exactement comme avant, et c'était bien ça le problème au fond. Cela fait maintenant deux ans que tu est revenue à Paris, la ville n'a pas changé, tes amis n'ont pas changé non plus, cette ville semble figée, ses habitants semblent se complaire dans la médiocrité. Oui, tu n'as toujours pas digéré ton échec, tu le traîne tel un boulet accroché à ta cheville, toute la ville est au courant de ton histoire, tu donnes parfois l'impression d'errer sans but, pourtant tu n'es pas si malheureuse que ça ici, loin de là même.
Tu as repris ton activité d'auteure, mais tu passes beaucoup moins de temps à écrire qu'avant, tu es quelque peu démotivée, tu en as marre d'écrire encore et encore le même genre de niaiseries, de ne cibler que les grands gamins, mais tu as raté ta chance, et tu ne peux t'en prendre qu'à toi-même au fond.
Tu passes le plus clair de ton temps à sortir à coté de ça, tu participes activement à la vie de la ville, que ce soit en manifestant, en participant à toutes les soirées possibles et imaginables. Autant dire que ta vie est bien remplie, et ce même si elle manque cruellement de renommée, mais tu t'en contenteras, car encore une fois, tu es bien moins malheureuse que ce que tu peux prétendre.