Allô maman, bobo
Maman ? J'aimerais bien que tu m'écoutes. J'aimerais ne pas dire tout ça la gorge serrée et que ça ne serve plus à rien après. J'aimerais bien que tout ce qui se passe dans mon ventre tu puisses le comprendre. Maman ? Pourquoi Papa est jamais là quand ça va pas ? Pourquoi t'es toujours toute seule à me regarder dans les yeux quand il se passe quelque chose dans ma vie ? Pourquoi il ne t'embrasse plus quand il rentre du bureau ? Pourquoi il ne me regarde plus dans les yeux ? Pourquoi est ce que j'ai envie de quitter la pièce dés qu'il est là ? Et toi, pourquoi tu t'en fous maman ? Pourquoi tu ne me parles jamais ? Pourquoi ça me gratte de partout, sur tout le corps dés que ej dois t'adresser la parole ? Maman ? Pourquoi je me sens pas à am place ici, avec vous ? Pouurquoi vous m'achetez toute ces jolies choses si au fodn vous en avez rien à faire que ça me fasse plaisir ? Pourquoi vous tenez tant à ce qu'Elise fasse de grandes études, si en fin de compte vous ne vous en réjouissez même pas quand elle y arrive ? Pourquoi j'ai jamais rencontré son fiancé ? Maman, pourquoi tu dis jamais rien ? Pourquoi je connais mieux mes nourrices que je te connais toi ? Pourquoi t'as honte de moi maman ? Maman, pourquoi tu restes avec Papa, alors que tu ne l'aimes plus, alors qu'il te prend pour une conne ? Maman parle-moi, que j'entende ta voix. Maman ça fait longtemps que je ne t'ai pas entendue parler. J'aimerais ré-entendre ta voix, pour une fois. Maman, je vais partir. Maman j'en ai assez de vous deux. C'est trop tard, je ne vous aime plus, j'y arrive plus. Je m'en vais maman. Maman ? Maman ? Pourquoi tu ne pleures pas ... Maman ?
Pourquoi j'suis pas beau ?
Eliott et Martin, et aussi Lucas, et même Jules, ils m'ont poussée tout à l'heure. Dans le couloir. Un par un, jusqu'à ce que je trébuche très fort. Ils riaient, très fort. Puis je suis allée m'asseoir tout derrière, près du mur, comme tous les jours, et j'ai entendu les filles chuchoter trop fort, et les garçons rire beaucoup trop fort. "Ophelia elle est pas jolie, elle est dégueu, elle ferait mieux de crever" Pourquoi personne me dit que je suis jolie ? Est ce que ça veut forcément dire que je suis laide ? Je me suis enfuie aux toilettes, j'ai fermé la porte à clé, j'ai soulevé ma crinière brune et j'ai regardé attentivement chaque parcelle de mon visage. Rien que de la peau lisse et pâle. Des yeux vides, un nez sans artifice, une bouche fine, visage maigre, visage laid. Mes larges vêtements noirs cachaient la totalité de mon corps, de mon cou blanc jusqu'à mes chevilles. Mes bouts de doigts dépassaient de mon pull, et les ongles rongés qui apparaissaient me poussèrent à dissimuler le dernier détail visible de mon anatomie. Je laissais alors retomber mes cheveux sur mon front et mes épaules, ayant dans l'idée de faire disparaître cette silhouette fantomatique derrière un voile de cheveux épais. Je me suis assise sur une cuvette, les genoux collés, les pieds en ouverture, les coudes appuyés contre mes genoux dont les os ciselaient mes avant-bras. J'ai pleuré, longtemps. Maman, pourquoi tu me dis jamais que je suis jolie ? Maman, est ce que c'est vrai que je suis pas jolie ? Que je suis dégeu ? Tu crois que je dois crever ? Je sens rien dans mon corps, j'en déteste chaque infime partie, je me sens fléchir dés que je marche, je veux tout cacher, tout. Un monstre, c'est tout ce que je suis.
Maman, tu m'écoutes ?
Miroir, miroir
Il était très beau. Une mèche de cheveux blonds cachait ses yeux noisettes et une démarche nonchalante inssuflait à sa silhouette une certaine désinvolture. J'ai attendu qu'il passe à côté de moi, puis je me suis retournée, discrètement.
Je ne m'attendais pas à croiser son regard.
Maman, j'suis fatiguée de te parler quand t'écoutes pas. Il m'a regardée. Il n'est pas le premier. D'autres garçons m'ont déjà regardée de cette façon. Je les ai vus regarder ma bouche, mes épaules, mes fesses, mon dos, et me fixer lorsque je passais ma main dans mes cheveux. Alors j'ai recommencé à passer ma main dans mes cheveux, plus lentement, en riant. Puis encore une fois, en baissant les yeux, ou en esquissant un sourire, juste avec le coin inférieure de la lèvre. Leur regard restait alors fixé plus longtemps. J'ai adoré ça. J'aime sentir leur regard sur moi, sur ce que je déteste de moi, comme si leur désir conjurait le sort de ma haine envers mon corps. Regardez-moi, apprenez-moi à m'aimer. Je me surprends pas à pas à caresser mes genoux l'air de rien, lorsque je porte une jupe courte, à entrouvrir les lèvres, où à lever un seul sourcil lorsque je ne suis pas forcément surprise. Qu'est ce qui se passe en moi ? Je dévoile des choses que je n'aurais jamais dévoilée, je cherche des regards, je hume des parfums, de loin, j'envie des peaux, est ce que je les désire ? Maman, est ce que finalement je serais devenue jolie ? Maman, je crois que je suis belle.
Parce qu'on est jeunes et cons
Maman, ta gueule, je sors quand j'en ai envie, avec qui j'en ai envie, et je rentre à l'heure qui me chante. Tu peux aller te faire foutre.
Je n'aurais jamais pu imaginer que la nuit ait pu être un moment si merveilleux. Le jour j'ai envie de disparaître, la nuit je me sens revivre, emplie d'une bouffée de bonheur et d'humanité indescriptible. C'est comme si mille âmes délicates et généreuses me prenaient tour à tour dans leur bras. Je sors, je me saoule, je me défonce, je cours, je chante,
je danse, je ris, j'essaye, je rencontre, je découvre. Tourbillon, de chaleur, de lumière, de noirceur aussi. Merde, pourquoi est ce que je n'ai pas fait ça avant ? Maman, t'entends ça ? J'ai trouvé une échappatoire à votre absence, à votre inexistence. J'espère que t'es jalouse, j'me sens plus entourée avec des potes d'un soir et une bouteille de rhum qu'avec vous deux et tout votre argent. Cette ivresse qui m'habite, est une explosion de danger et de plaisir à la fois. Je me sens vivante, je me sens à la limite entre la vie et la mort. Être hors de mon corps, tomber, rire trop fort, me réveiller avec le visage gris. Le matin je en regrette rien, j'ai juste tout pris, comme on reçoit des connaissances, sauf que je reçois du sincère, du vrai. C'est pas bien je ais, mais ça me fait du bien. S'il faut vivre ici autant que je me défonce toute les nuits. Ma vie sera ainsi, tant pis pour vous si c'est pas ce que vous souhaitiez pour moi : manger, dormir, aimer, boire,
danser.
Ainsi on peint aveugle Cupidon ailé
La bande originale de toute une vie
Dansez dansez, sinon nous sommes perdus
Tic-toc
How should I your true love know - W. Shakespeare
Ophélia, pourquoi tu es partie ?
Ophélia, pourquoi tu te détruis ?
Ophélia, pourquoi tu veux danser ?