• L'oeuvre est un écran et nous sommes les projecteurs •
La passion est un amour qui ne se contrôle pas, ne se compte pas, ne se limite pas. Un amour obsessionnel, destructeur, qui ravage tout sur son passage. Tel est la place du cinéma dans le cœur de Nicolas. Ce garçon qui, dès l'enfance, avait déjà une caméra entre les mains et des milliers d'histoires à raconter dans la tête. Ce garçon qui, dès l'enfance, passait ses journées à frauder les séances de cinéma pour ne rien manquer de l'actualité. Ce garçon qui, dès l'enfance, saurait qu'un jour, ce serait lui qui serait derrière la caméra.
Quelqu'en soit le prix à payer.
Nicolas a entrepris un chemin périlleux et une aventure douteuse. Très peu l'ont soutenu. Très peu y croyaient. Pourtant, aujourd'hui, très peu doutent encore de lui. La presse le décrit comme le jeune réalisateur français qui monte, monte... Les cinéphiles le connaissent. Les passionnés du cinéma alternatif aiment se faire prendre en photo à ses côtés, au détour d'une rue. Nicolas est invité aux événements français et partout ailleurs. On réclame sa présence aux soirées de cinéma d'auteur. Néanmoins, il doit encore se montrer à la hauteur des épreuves et le public mainstream le boue encore. Il ne saurait tarder à s'affirmer aux côtés des plus grands de ce monde. Les USA lui tendent les bras. Faut-il un ultime sacrifice pour que sa carrière ne décolle réellement.
• La comédie est plus proche de la vie que le drame •
La vie de Nicolas est une série d'échecs et d’événements grotesques qui convergent tous vers le destin qu'on lui connait. Là où Nicolas a connu la tristesse, il connait aujourd'hui la joie. Là où il a célébré la colère et l'horreur, c'est maintenant le calme et la sagesse de l'âme qui le révère. Une équation mathématique pure dans laquelle Nicolas s'y retrouve. Toujours un sacrifice pour une chance équivalente. Jamais rien sans rien donner. Nicolas sait que sa vie ne se résume qu'à un échange karmique. Brut. Simple. Compréhensible.
Aussi Nicolas ne se complaît guère dans l'apitoiement de soi. Ni dans le défaitisme. Il rit de son malheur, se moque de ses mésaventures et ne se laisse jamais abattre par le sort. Nicolas vit son existence comme une longue comédie française et n'hésite pas à songer à de radieux lendemains lorsque le monde semble s'acharner à lui tirer quelques larmes de solitude. C'est un optimiste qui assumera sans mal que la souffrance et les épreuves seront là pour le renforcer. Lui apprendre. Lui enseigner. Et mieux accueillir le fruit de son acharnement dans un festival de joie et d’allégresse.
• L'idiot affirme et le sage doute •
Nicolas a des messages à faire passer. Des leçons à donner. Un monde idéalisé à construire. Nicolas est un homme qui affirme sans pudeur sa supériorité face à la
foule.
La Foule, grégaire, aveugle et irresponsable.
La Foule, son ennemie de toujours.
La Foule qui le terrifie, tant elle apparaît puissante et innombrable. Majoritaire et décisionnaire du bien et du mal.
La Foule qui ne sait pas mais affirme comme si elle avait ce pouvoir exécutif terrifiant. Elle fait la justice populaire, les notions de normalité et accepte le racisme et le sexisme dans sa société branlante. Elle se laisse écraser, manipuler, souiller et entraîne son prochain vers ce lent et inexorable retour à l'esclavagisme.
Nicolas voit tout cela. Nicolas n'est pas aveugle. N'est pas irresponsable. N'est pas grégaire. Nicolas ne fait plus partie de la Foule. Il est au-dessus, supérieur. Nicolas s'est élevé.
Mais sa transcendance accompagne également une fierté mal placée, un orgueil qui ne devrait pas être. S'il ne fait plus partie de la Foule, alors ses besoins, ses envies, ses caprices sont prioritaires. Lui d'abord, les autres ensuite. Il est le point héliocentrique de son système et supporte mal de ne pas en être l'attention principale.
On ne peut rester indifférent au caractère de Nicolas. Le détester ou l'adorer. D'avantage le détester. Son exubérance et son excentricité attirent l’œil très sûrement. Ses caprices font de lui un autoritaire. On lui obéit. Ses décisions sont les meilleures. Toujours. Nicolas fait ce qu'il désire, mais laisse rarement son prochain réaliser ses envies si cela le déconvient. Lui d'abord. Les autres ensuite.
Pourtant, l'introspection l'aide. Les reproches de ses rares amies lui éclatent une main brûlante sur la joue à chaque fois. Nicolas essaie toujours de tempérer les quelques défauts qui le rendent si particulier. Mais se garde d'affirmer sa fierté d'être de ceux qui ne mentent pas. De ceux qui ne font pas semblant. Qui ne jouent pas de pitoyables comédies sociales. Nicolas se targue d'être frais, honnête et imprévisible. Et ceux qui auront le courage de le découvrir un peu finiront toujours par tomber amoureux de son sens de la justice. De son envie de faire plaisir. De sa gentillesse naïve. Du soutien qu'il apportera dans les moments difficiles. Et de la spiritualité dont il sait faire preuve.
• Paris la nécropole. Paris qui sent la carne •
Paris et ses bras bétonnés l'ont toujours bercés. La symphonie des klaxons, les musiciens de rue, la télévision dans les foyers et le ronronnement des pigeons au petit matin. Nicolas se souvient de sa baguette dont il croquait le bout en revenant de la boulangerie. Il se souvient du fromage qu'il a apprit à aimer. Des moments où on lui reprocha son impolitesse du matin. De l'âge où il a aimé le vin. Nicolas est ce cliché ambulant. Ce Parisien que tout le monde déteste mais sur lequel on peut déposer tous les fantasmes.
Néanmoins, sa relation à la ville-lumière s'achève bien là-dessus. Paris l'insupporte, le rend mauvais et pressé. Désagréable et irritable. Agressif. Nicolas trouve Paris mauvaise, comme corrompue. Elle pue et ses habitants sont cons. Lui aussi le devient à force de la fréquenter. Il le sait. Il le sent. Alors, Nicolas rêve de voyage, d'ailleurs. De paysages de campagne, d'une New-York titanesque. D'une Venise romantique. Nicolas quitte Paris et descend vers le soleil du Midi. Respire son air pur dans les hauteurs alpines. Et lorsque le cœur et le corps le réclament, lorsque le dépaysement commence à lui faire tourner la tête, Nicolas retourne aux sources. Retrouve ses origines qui lui sont si chères. Chez lui. Paris. Paris qui lui a manqué. Mais finira par l'agiter de nouveau. Il le sait : Il ne restera guère longtemps. Juste assez pour revoir son père. Développer ses projets, exorciser ses besoins créatifs.
Nicolas est un vagabond, un voyageur volatile qui butine au gré du vent et de ses voyages. Gonflé de pollen, de joie et de souvenirs, il revient inexorablement à la ruche. Comme attiré. C'est un cycle infini dans lequel il s'est engouffré. Entre ici et ailleurs. Entre la vie et ses rêves. Entre chez lui et les hôtels.
• Psychiatre : Dément dont l'idée fixe est de soigner d'autres déments •
Il n'y a pas de folie. Pas de démence. Pas d'aliénation. Seulement des troubles, des névroses, des psychoses. Des classifications, des séries de chiffres et de codes. Des noms de médicaments, de pilules, d'anticonvulsifs, d'antipsychotiques, d’antidépresseurs. Nicolas connait la psychiatrie car son père ne lui a jamais fait l'économie du traumatisme que son univers peut engendrer sur les esprits faibles. Élevé tôt dans cet univers poussiéreux aux relents d’antiseptique, Nicolas nourrissait autrefois la crainte infondée des hôpitaux, des salles d'attente chez le médecin et de ces couloirs proprets aux odeurs si particulières. Aujourd'hui, Nicolas est immunisé. Son esprit est dur, froid. Hermétique. Il n'a plus peur. Il ne craint plus l'étrangeté. S'en nourrit-il dans son imaginaire créatif. Une étrange fascination. Nicolas n'en veut pas à son père. Son père a fait de son mieux. Un pan de son enfance qui l'a construit et qui forge dorénavant sa légende.
Son père. Allégorie de tout ce qui le terrifiait jadis et qu'il a sut dompter, dominer. Surmonter. Nicolas n'a plus peur. Il regarde son père droit dans les yeux et ne voit en lui que ce vieil homme exigent qu'il fut avec lui. Il ne jalouse plus les autres pour la bienveillance dont il faisait preuve à leu égard. Son père lui voulait toujours le meilleur. L'excellence. Son père ne lui a rien épargné. Longtemps furent-ils en froid lorsque Nicolas était assuré que son avenir serait dans le cinéma. Dans l'art.
Pourtant, c'est bien de son père qu'il a hérité cet amour de l'écran. De l'image et du son. Son père collectionnait les VHS, d'abord. Puis les DVDs. Nicolas a vu des centaines de milliers de films. De tous les genre, de tous les styles. De toutes les formes. Naturellement, un jour, Nicolas a commencé à vouloir en faire à son tour. Son père n'y a vu qu'un jeu d'enfant. Il lui a offert sa première caméra. Ses premières cassettes d'enregistrement. Son premier ordinateur pour monter ses images. Puis quand Nicolas a orienté ses études dans le cinéma, qu'il est allé se réfugier à Nantes, sous les encouragements de sa mère, leur relation est devenue difficile. Conflictuelle. Nicolas aurait put devenir un excellent médecin. Sans doute. Peut-être. Mais Nicolas avait d'autres envies, d'autres rêves. Bien plus fous et plus abstraits. De ces rêves qui terrifient toujours les parents. De ces rêves qui prédestinent ceux qui les suivent à une vie de misère et de pauvreté. De doutes et d'incertitudes. Nicolas a du prouver mille fois qu'il serait capable. Qu'il était fait pour ça. Seulement pour ça.
Et un jour, son père a accepté de voir ses films. De se laisser inviter aux événements où il était à l'honneur. Où il était acclamé. Félicité. Récompensé. Le docteur Reynaud était fier de son fils. Bien plus fier que Nicolas avait dû avancer seul. Sans son soutien. Sans le soutien de son propre père. Le génie. L'étoile montante. Son fils.
Leurs conflits se sont tût, aujourd'hui. Et Nicolas admet que ses réactions furent parfois peut-être extrêmes. Les chiens ne font pas des chats. Reynaud père et fils sont aussi têtus qu'ils savent faire preuve d'une bienveillance rare. Nicolas visite son père et l'aide parfois dans ses papiers. Soutien son service et connait ses collègues. C'est une ombre du service psychiatrique de l'hôpital. Salué avec un grand sourire mais inconnu pour tous ceux qui n'osent pas poser la question.
• Il ne m'aime plus. C'est du passé. N'en parlons plus •
La folie des grandeurs est un sentiment qui le suit de très près dans tous les moments de sa vie. Elle modèle ses envies et ses caprices. Transforme ses relations et modifie sensiblement sa perception du monde.
Ses amours n'ont jamais été simples.
Nicolas n'aime pas les relations de couple faciles. Les amours modérés. Ca l'ennuie, ça fait entrer la mort dans la passion et ça décolore la vie elle-même. Nicolas est incapable de faire semblant d'aimer. Incapable de dire "
je t'aime" s'il ne le sent pas dans ses tripes. Incapable de prendre dans ses bras lorsqu'il n'en ressent ni l'envie, ni le besoin. Incapable d'affection si le cœur est en retrait. S'affirmer en couple est aisé. Le montrer est une autre paire de manches. Nicolas dont les intérêts sont rapides, fugaces mais toujours intenses, la fidélité dans le couple est un concept qui lui tord l'âme. Il envie ceux dont les amours sont uniques. Nicolas est un polyamoureux qui se l'affirment. Et très rares furent ses relations où il aimât sa compagne d'un amour unique. Aussi rares qu'elles furent terribles. Destructrices. Obsessionnelles. Nicolas a besoin de cette pluralité pour ne pas faire tomber toute son affection sur une seule tête.
Toutefois, Nicolas n'est guère maître de ses sentiments. Il se laisse porter, son cœur est un bateau qui navigue sur des eaux imprévisibles. Et après une pléiade de relations instables, violentes, toxiques, Nicolas songeait avoir enfin trouvé sa stabilité. Morgane était son port. Son point d'ancrage. Leur relation était semblable à celle de deux enfants. Innocente, pure. Égocentrique. Mais, Morgane n'a pas la passion de l'art. Ni celle du cinéma. Et comme une vieille maîtresse jalouse, la cinématographie s'est naturellement interposée entre eux. Morgane ne suit pas Nicolas dans ses voyages. Connait peu de ses films. Ignore tout de son univers, de ses réelles envies. Elle maîtrise l'homme, mais pas ses rêves. Et la routine s'est installée. Bientôt deux ans de monotonie dans laquelle Nicolas semble se complaire. Ils se voient de temps en temps, comme des amis. Puis comme des amants. Sans trop y croire. Ils ne font plus l'amour, ils baisent.
Et ailleurs, Nicolas songe à cette fille. A ce rêve, lointain et inaccessible. Ce sourire candide. Ce regard où sa solitude se réfugie. Cet ange au visage solaire et au rire qui éclate comme une symphonie éternelle. Nicolas est troublé. Il sent bien que ce petit coup de foudre se mue en un papillon de sentiment. C'est terrible, c'est affreux. Comme une damnation, une curiosité macabre, il cherche son regard qui ouvre toujours sous ses pieds un gouffre infernal. S'il aime discuter avec elle, s'il affectionne les rares discutions qu'il a eut avec elle, il ne peut s'empêcher de songer à d'autres choses. Les rêves, toujours.
Et tandis que sa famille s'attend à ce que Nicolas demande en mariage sa belle et parfaite -
trop parfaite - Morgane, que son agent artistique lui conseille le célibat et que son cœur commence à s'aérer d'envolées amoureuses, Nicolas se réfugie dans la seule de ses amantes qui a toujours sut le conseiller : Le cinéma.
• Tu sais ce qu'ils ont tous en commun, ces héros ? Tu sais ce que c'est, leur secret ? Ils se battent tous pour la dignité des faibles •
Homme blanc français cisgenre gynosexuel, issu des classes aisées, Nicolas a toujours été ce petit babtou fragile qui n'avait guère son mot à dire dans les luttes sociales. Privilégié jusqu'à la moelle, Nicolas n'a jamais dû affronter les épreuves de la discrimination dans une société où on s’évertuait à l'élever comme l'enfant prodigue. Nicolas n'aurait jamais dû avoir de combat à défendre. Il aurait dû voter FN, s'habiller de marques haute couture ou devenir le parfait bobo hipster qu'il est fréquent de devenir pour ce genre de personnage.
Nicolas, pourtant, a la tête pleine de révolutions. Le capitalisme, la consommation massive, la distribution inégale des richesses, les discrimination d’ethnie, de genre ou de sexe. L'industrie agricole, les tueries de masse, la guerre au Moyen-Orient, les conditions des hommes et des femmes partout dans le monde. Nicolas ne sait pas où donner de la tête. Il voudrait revendiquer toutes les horreurs. Toutes les injustices. Mais son optimisme se heurte à son désir de bien faire. Alors, Nicolas a choisit ses combats. Les plus importants à ses yeux. Avant de se faire bouffer par le cynisme et le pessimisme. Nicolas défend la cause LGBT. Est devenu végétalien et se défend d'être l'un de ces féministes extrêmes. Et se revendique néo-marxiste. Mais plus que tout, ce qui le scandalise, ce qui le révulse, le ferait mourir de désespoir, c'est la condition de l'humain dans une société qui l'est de moins en moins.
Nicolas se bat pour que chacun s'émancipe de la masse grouillante. De la Foule. Que chacun relève les yeux. Sorte de sa monotonie quotidienne et se rende compte que les rêves sont à portée de main. S'il a réussi à réaliser les siens, il peut pousser les autres à réaliser les leurs. Que chacun cesse de rêver de vie de famille lambda, de ne vivre qu'à travers son couple ou sa thune. Que chacun se mette à penser, à imaginer, à créer. Que chacun retrouve son âme d'enfance et s'harmonise avec ce qu'ils sont. Cessons de vouloir être maigres, beaux, riches, connus. Cessons de lire les médias politiques qui manipulent pour le compte d'une élite. Cessons d'envier ou de se conformer au cynisme. Commençons à avoir la foi. La foi en soi, la foi en l'autre et surtout la foi en l'Humanité.
Révoltons-nous. Il n'est pas encore trop tard.
On n'est rien de plus qu'une bande de rêveur...