Life is a game and i am the winner Tout s'était parfaitement déroulé comme il l'avait prévu. Comme toujours. Comment aurait-il pu en être autrement ? Après tout, Il n'avait plus rien à prouver à personne, et en y réfléchissant, il n'avait d'ailleurs jamais eu quoi que ce soit à prouver à quiconque, encore moins à cet imbécile de Gordon. Comment avait-il pu ne serait-ce que penser remporter une telle affaire, face à lui qui plus est ? C'était tout bonnement idiot de sa part, mais après tout, c'était ce qu'il était; un parfait idiot. Un idiot qui n'abandonnait pas facilement, certes, mais un idiot parmi tant d'autres. Quoique, peut-être pas, celui-ci avait le don de l'insupporter davantage que ses congénères et ce détail n'était pas négligeable.
— Tu as remporté une bataille, pas la guerre, grinça le roux, véritablement irrité, qui, depuis deux bonnes minutes déjà se plaignait comme il n’était pas permis.
Et c’est ainsi qu'en ce Jeudi pluvieux du mois de Mars, le pseudo-avocat incompétent - et écossais, par-dessus tout, ceci expliquant cela - venait pleurer sa lamentable défaite dans le cabinet de Lecompte. Une scène qui commençait à devenir répétitive, bien que toujours aussi jubilante au goût d’Éliandre.
— En voilà une bonne réplique de perdant, Gordon.— Mais ce n'est pas un jeu, quand est-ce que tu vas le comprendre ?! répliqua immédiatement Gordon avec hargne.
Voilà qu'il se prenait maintenant pour sa mère à lui rappeler ce qui était sujet à rire et ce qui ne l'était pas, le fusillant avec ce même regard grave et accusateur qu'il lui accordait depuis le tout premier jour. Franchement, il manquait beaucoup d'imagination, ne pouvait-il pas changer un peu de registre de temps en temps ? Nan, il ne le pouvait décemment pas, c'était un idiot, et ça, impossible de l’oublier.
— Pourtant, commença lentement Éliandre d'une voix doucereuse,
c'est bien toi qui a commencé la partie en entrant dans la "guerre", je me trompe ?
Avant même que l'avocat à la chevelure de feu ne s'embrase à nouveau, le fauteur de trouble reprit la parole, le ton impérieux et irrévocable mettant en évidence toute la condescendance charismatique dont lui seul savait si bien faire preuve.
— Accepte la défaite, cela sauvera peut être le peu de dignité qu'il te reste.Cet effort pathétique que Gordon fit pour rajuster fièrement son épitoge histoire de garder un semblant de contenance - qu'il n'avait jamais eue- le fit esquisser un sourire moqueur. Décidément, il ne cesserait jamais de le surprendre. Jamais dans le bon sens, il en va de soi.
— Tu considères donc la Guerre comme un jeu ? conclu finalement l'avocat roux après quelques longues secondes de silence.
— La Guerre, Gordon, tu apprendras qu'elle oppose toujours au minimum deux armées l'une à l'autre... Deux équipes de joueurs.Les trois derniers mots avaient été énoncés d'une voix plus rauque, plus vicieusement joueuse dans le seul et unique but de faire frémir le confrère, ce qu’il fit bien malgré lui.
— Tu apprendras également, bien que je doute que tu puisses apprendre quoi que ce soit... Que l'une de ces deux armées doit forcément l'emporter. A la fin, il ne reste que le gagnant. La guerre est un jeu, un jeu impitoyable, certes, mais un jeu parmi tant d'autres alors, par pitié, épargne moi cet air effarouché.Gordon en demeura bouche bée. Il le regardait, de cet air ahurit et complétement idiot qui lui allait si mal, se demandant sans doute comment une personne telle que le Maitre Lecompte pouvait-elle bien exister.
— C'est... bredouilla-t-il.
Éliandre rit légèrement, un rire moqueur et rauque qu'on lui reconnaissait.
— Mais encore ? s'amusa-t-il à lui demander, la tête légèrement penchée sur le côté, une esquisse de sourire joueur au creux des lèvres.
Gordon secoua finalement la tête, faisant virevolter quelques mèches rousses désordonnées dans tous les sens.
— Peu importe, balaya-t’il finalement d'un geste fluide de la main pour chasser le sujet de ses pensées ainsi que de la conversation.
Il ne voulait visiblement pas lui parler de la guerre en général, mais bel est bien de la dernière guerre dans laquelle il n'avait été qu'un pion. Et bien soit, cela promettait d'être amusant. Éliandre croisa ses bras contre sa poitrine, un mince sourire commençait à se dessiner sur son visage.
— Mme Taylor ne mérite pas d'être traitée ainsi, tu le sais aussi bien que moi, elle n'a pas...— La loi n'a que faire des mérites de chacun, le coupa le brun dans un souffle exaspéré sans omettre de lever les yeux au ciel tant la naïveté de son collègue l'agaçait.
Qu’il pouvait être stupide cet idiot parfois…— Seulement la loi est juste, à sa manière, mais elle l'est toujours dans un certain sens ! Alors comment peux-tu la contourner par je ne sais quels stratagèmes quand tout porte à croire que... Arg, tu es tout bonnement ignoble Lecompte !Ça y était enfin, le rouquin était hors de lui, il n’avait pas fallu attendre longtemps cette fois-ci et cela tombait plutôt bien puisque Éliandre était attendu. Il considéra Gordon de son regard sombre durant quelques secondes, silencieux. Le mince sourire sardonique ne daignait décemment pas quitter ses lèvres roses.
— Tu sais, Gordon, il existe trois manières de gagner : être le premier, être le plus malin et tricher. Il suffit de choisir son camp. Mais encore faudrait-il que tu puisses avoir le choix…Un dernier regard mauvais et le
perdant déclina sa
défaite en prenant la porte sous l’œil triomphant du
gagnant.
Family above all, they saidLe crépuscule s'était tranquillement installé dans la 'paisible' ville de Paris, aussi la faible lumière d'un lampadaire éclairait légèrement la façade sombre de la luxueuse demeure d'en face.
Que faisait-il là déjà ? En voilà une bien bonne question que l'avocat se posait depuis deux bonnes minutes maintenant. N'était-ce pas logiquement à lui de poser les questions normalement ? Le regard hésitant, presque fuyant, il fixait la battisse dans laquelle il avait grandi avec une certaine appréhension qui ne lui était pas ordinaire. Pourquoi n'avait-il pas simplement agit comme d'habitude ? En refusant simplement et catégoriquement l'invitation. Comme le lâche qu'il était. Ce n'était pas comme si il ne l'avait pas toujours fait. Mais il était trop tard maintenant, il ne pouvait plus faire machine arrière.
Il se tenait là, devant cette immense grille noire, complétement perdu et incapable de prendre une décision. Ah, il était bien beau le brillant homme de Loi en cette soirée. Où avait bien pu aller se cacher l'homme de prestance si sûr de lui et si pédant qui déambulait les trottoirs, la tête haute, un sourire carnassier aux lèvres ? Voilà ce qu'il en coûtait de prendre des décisions trop hâtivement, maintenant il devait en assumer les conséquences... Chose, que, naturellement, il ne savait pas faire dans les normes et qu'il ne souhaitait pas le moins du monde savoir faire.
Après avoir laissé échapper un long soupir supposé lui redonner un peu du courage qu'il n'avait pas et n'aurait jamais, il prit une décision.
Il passa le portail tandis que de violentes bourrasques commençaient déjà à faire ployer les vieux arbres de la propriété familiale. Il n'y fit pas attention plus que nécessaire et, après avoir monté bien rapidement les marches du perron, il pénétra dans la demeure. Son accoutrement était simple, pas bien différent de celui qu'il arborait en temps normal, quoiqu'un peu plus décontracté encore. Il portait un jean noir et des chaussures habillées. Un simple tee shirt noir et une veste de cuir de la même couleur recouvraient son torse. Il se fichait pas mal d'être présentable auprès de sa
"famille", il se fichait pas mal de tout. Et s'il pouvait continuer à ne serait-ce que montrer un brin de rébellion par de telles idioties, il le ferait toujours et avec un sourire aux lèvres. Seuls ses cheveux avaient décidés de rester parfaitement coiffés ce soir, et cela ne sembla pas plaire à Éliandre qui entreprit de les ébouriffer avec une certaine irritation. Ahh ce qu'il détestait ne pas être maître de lui même !
Après quelques secondes encore d'hésitation, Éliandre entra sans plus de manières dans la grande salle. Il s'arrêta quelques secondes au milieu de l'entrée, et releva la tête pour observer la foule à la recherche de têtes familières.
— Éliii ! hurla à son intention une voix bien trop aiguë pour ses oreilles sensibles.
Instinctivement,
"Éli" leva les yeux au ciel. Puis, comme il savait parfaitement comment allait se dérouler la suite, il fit volte face et ouvrit grands ses bras, les yeux fermés, les traits du visage froncés. Ainsi, il était prêt à encaisser les "coups" de la catastrophe ambulante, aussi connue sous le nom de Mélodie Lecompte.
Quand celle-ci lui fonça dessus comme la furie qu'elle était, Éliandre esquissa un petit sourire forcé et se mit à lui tapoter maladroitement le dos sans grande conviction.
— Tu m'as trop manqué ! lui confia la blondie, tout sourire.
Ah, vraiment ? Une esquisse de sourire se dessinait sur ses lèvres alors qu'il se mit doucement à essayer, oui 'essayer', de détacher les bras féminins qui venaient de s'être emparer fermement de son cou. Sa petite sœur avait toujours le don de l’embarrasser en plus de l'agacer, c'était un fait. Si il était bien prouvé que le ridicule ne tuait pas, sa
très chère sœurette, elle, mènerait surement un jour à sa perte, c'était évident !
— On s'est vu hier... lui lança l'avocat, l'air de rien.
Ce fut au tour de la sœur de lever les yeux au ciel. Visiblement embêtée par le peu d'entrain dont faisait preuve son grand frère à la saluer. Elle se détacha d'elle même de son cou et vint lui coller deux énormes bisous sur chacune de ses joues, ayant rapidement retrouver sa jovialité habituelle.
— Oh ça va ! Fais pas ton rabat joie ! Et puis, c'est quoi cette tenue ?Éliandre ne lui répondit pas, bien trop occupé à essuyer ses joues à l'aide du tissu qu'il venait de retirer de sa poche. Une expression d'agacement se lisait maintenant clairement sur ses traits, pourtant, il ne pouvait pas nier que l'apparition de sa sœur avait au moins ses bons côtés. En effet, sa nervosité passagère s'était peu à peu dissipée. Le trop plein d'amour de sa petite sœur avait des avantages, finalement.
— Je pensais qu'on ne serait qu'en famille et que vous m'accepteriez comme je viendrais, lui répondit finalement le brun, une lueur de dégout brillant dans ses yeux couleur du néant.
— J'aurais préféré, tu sais, mais... 'Ya du monde ce soir et euh... balbutia la blonde en baissant les yeux et le ton, soudainement bien moins enjouée.
— Tu sais ce qu'il se passe exactement ici ? lui demanda finalement Éliandre, changeant complétement de sujet comme il aurait pu le faire en séance au boulot.
Sa sœur en demeura muette quelques secondes. Son regard cherchait maintenant celui de son grand frère, empli d’incompréhension et de... Souffrance ? Surement pas, il devait rêver sans aucun doute. Elle se fichait pas mal de tout ça, ils se fichaient tous pas mal de lui et ce depuis toujours.
— Eh bien, hésita la blonde,
à vrai dire, cette fête est en l'honneur de Marty.Évidemment. A quoi s'était-il attendu après tout ? Il n'a toujours été question que de lui.
Les sourcils froncés et le regard aussi sombre qu'il lui était permis d'être, Éliandre ne se rendit pas immédiatement compte que sa sœur aux jolis cheveux d'or avait tenté de lui adresser à nouveau la parole.
— Excuse moi Mélodie...Il lui offrit un joli sourire et tourna sur lui même avec élégance. Puis, sans attendre davantage, il lui faussa compagnie pour s’engouffrer dans la foule d'invités.
Une fois les escaliers montés, les quelques invités bousculés, les immenses sourires et fausses excuses accordés, il mit la main sur l'élu de la famille. Il était là, parfaitement habillé, parfaitement coiffé, assis gracieusement sur un fauteuil presque aussi chic que sa personne.
Martin Lecompte. Homme médecin de renommée mondiale, aussi aimant que aimé. Marié à une femme d'affaire des plus droite et charmante, Émilia Lecompte. Père parfait de deux merveilleux enfants, Esteban et Maria.
Le fils parfait. Son détestable petit frère.
Leurs regards se rencontrèrent et s'assombrirent quasiment au même moment.
Martin brisa le contact le premier. Il n'avait jamais été doué à ce jeu là. Il fallait bien qu'il existe au moins une chose que Éliandre fasse mieux que l’héritier. Jouer. Et puis, c'était tout ce qu'il était aux yeux de la
famille après tout; un grand gamin qui s'amuse avec les mots et les sentiments, ça,
et puis surtout un bâtard.
Le son de la voix grave de André Martin Lecompte se fit entendre et ce dernier apparu, sa femme au bras, aux côtés de son fils tant chéri, le sourire éblouissant d'amour et de fierté.
C'est à cette vue que le mépris de Éliandre sembla atteindre son apogée.
La mâchoire contractée, le regard meurtrier, le si imperturbable Éliandre Lecompte avait perdu tout de sa célèbre contenance. Il ne pouvait tout simplement pas rester ici. C'était une erreur, il n'avait vraiment rien à faire ici. Il devait partir. Fuir. Il avait toujours été doué pour ça. Il ne savait faire que ça. Faire preuve de duperie et de lâcheté. Alors il ne lui restait plus qu'à mette en place le seul et unique plan qui le sortait de toutes sortes de situations non désirables; prendre la fuite.
— Où est-ce que tu crois aller comme ça, Éliandre ?Finalement, ce ne serait peut être pas des bras de son envahissante petite sœur qu'il dépérirait.