« Paris, paris combien ? Paris, tout ce que tu veux. Boulevard des bouleversés, Paris tu m’as renversé, Paris tu m’as laissé sur ton pavé. »Enfance joyeuse, aux côtés de parents aimants et d’une grande sœur protectrice au possible. Je n’ai jamais manqué de rien, j’ai d’ailleurs toujours été surpris de la rapidité avec laquelle, lorsqu’un besoin se faisait ressentir, peu importe lequel, même le plus futile, il était aussitôt comblé. J’avais tout, et nous étions heureux tous les quatre.
Et puis il faut grandir, faire des choix, et avancer. Rien de simple. Quand on est jeune, on a l’impression que tout est possible, qu’il suffit de le souhaiter assez fort pour que ça se réalise. Mais la réalité est tout autre. On s’en rend compte au fur et à mesure du temps. Alors nos choix se restreignent à nos envies, à nos aptitudes, et bizarrement, il ne nous reste plus énormément de possibilité. Alors on choisit par défaut. J’ai eu beaucoup de chance. J’ai toujours su ce que je voulais faire plus tard, je voulais aider. Ecouter et aider les gens qui n’allaient pas bien. J’aurais pu devenir médecin, vétérinaire ou encore pompier. Mais j’étais persuadé qu’il était possible de soigner les maux, avec des mots.
Me voilà en faculté de psychologie. J’adore ça, je me sens dans mon élément et j’apprends tellement de choses sur l’être humain et ses divers comportements. Et puis, je l’ai rencontrée, elle. Elle s’appelait Elena, très belle brune sulfureuse, pleine de vie et bourrée de charme. Ce qui était le plus surprenant chez elle, c’est qu’elle ignorait à quel point elle était jolie. Elle avait ce petit truc spécial, inexplicable, que j’adorais. Nous sommes tombés amoureux l’un de l’autre très vite, et tout s’est enchaîné tout aussi rapidement.
Diplômés tous les deux, nous avions 25 ans lorsque nous prîmes la décision de nous unir pour le meilleur, et pour le pire. Moment fabuleux qui restera, je le pense, graver à jamais dans ma mémoire.
« Votre femme est malade Monsieur Delacourt »Cette phrase raisonnait dans ma tête. Comme si elle n’était pas réelle, comme si c’était un rêve, ou plutôt un cauchemar. J’étais resté là, figé, sans pouvoir bouger ni parler.
« C’est un cancer. La maladie s’est déjà généralisée, ce n’est qu’une question de temps. »Un coup de massue dans le dos, une chose que l’on n’a pas voulu, une injustice. Comment la vie pouvait-elle être si cruelle ? Parfois splendide et presque irréelle, parfois si pleine de haine. La famille de ma conjointe prit la décision de ne pas le dire à leur fille, contre ma volonté, mais je ne pouvais que respecter leur choix et regarder la femme que j’aimais s’éteindre tout doucement, sans même être au courant.
Et puis, quelques courtes semaines plus tard, elle est partie. Tranquillement en s’endormant, sans se rendre compte du vide qu’elle allait laisser autour d’elle, sans se rendre compte qu’elle laisserait en moi, un vide irremplaçable, une blessure inguérissable. Jamais je ne pourrais aimer à nouveau de la sorte, c’était chose impossible. J’avais 27 ans, et j’étais veuf, d’une jeune femme de 26 ans pour qui la vie n’avait pas fait de cadeau. Anéantie, était un mot faible pour définir l’état d’esprit qui m’avait gagné suite à sa perte. Je n’étais plus le même. Triste et solitaire, voilà à quoi ressemblerait ma vie désormais, ma vie sans elle.
Puisqu’il faut vivre vivons. Je ne suis plus le même, mon entourage s’inquiète énormément pour moi. Je suis moins joyeux, renfermé, et un peu solitaire désormais. Chose normale, mais cela fait deux ans maintenant qu’elle est partie, vais-je un jour, passer à autre chose ? Heureusement la vie professionnelle me réussit plutôt bien, je suis officiellement psychologue, et j’adore toujours autant mon métier. Si je ne peux pas trouver de réponse à mes questions, je sais en revanche bien répondre, à celles des autres. Là est toute l’ironie de la chose. Je ne crois plus réellement en l’amour, de peur qu’il s’envole à nouveau, je l’ignore. Je ne pense qu’il soit possible que je puisse aimer un jour à nouveau comme j’ai aimé Elena.