ADA HESL ▸ lera pentelute

il pleut sur mon cœur comme il pleut sur la ville, disait verlaine. alors il pleut sur son cœur avec violence, et une violence déchaînée où percent pierres et rochers. une violence sacrée dans un noir lugubre, sur un fond cauchemardesque d'univers massacrés. elle a l'impression d'être entourée de nuages, des cumulons nimbus sombres et fatalistes, qui la traversent de part en part. sans pitié ils hachent son corps et s'inventent des danses à travers, deviennent brumes et disparaissent. et puis, du haut de l'immeuble où elle fait des méandres avec ses doigts, elle s'imagine sur un grand oiseau, un dragon ou un cheval, courant dans le ciel. comme une enfant, en fait, elle rêve, mais il pleut toujours autant dans ses entrailles. des larmes qui coulent goutte à goutte dans son circuit interne, brisant les parois, tambourinant. au dehors, elle continue de courir face au vent, jusqu'au bord de l'immeuble, et à la seconde où elle regarde en bas, elle se demande si ce serait pas plus simple de tomber, et en tombant de penser, de penser aux dernières choses qu'on a pas faites, faites ou dites, dites ou criées. ada est au bord. ada veut tomber, mais ada ne tombe pas. peut-être parce que derrière, il y a une main qui la tient, l'empêche de se jeter, de se confronter aux théories de newton, et peut-être aussi qu'il y a pleins d'autres choses qui lui disent qu'elle ne doit pas sombrer là en bas, parce qu'elle ne pourra plus remonter une fois enterrée, et parce que lorsqu'on lui fermera les yeux elle ne reverra plus jamais le monde. juste une dernière fois, elle regarde le vide, puis s'en écarte, et prend cette main qui la tire, une main invisible mais bien présente, une main qui lui caresse le visage et la soulève dans les airs, l'emmène loin du bord et la fait glisser vers la chaleur. quand enfin, elle se retrouve en bas, d'une manière moins brusque que celle évoquée un peu plus tôt, elle remarque qu'elle a les pieds bien au sol, pas sur une corde tendue entre deux mondes. ada lève la tête, et dans ses yeux se profilent deux traits distincts, deux traits parallèles, qui vont et viennent, et chacun indiquent un endroit. alors elle choisit de les traverser. parce qu'elle ne veut ni aller vers le rouge ou le beige, le noir ou le blanc, le violet ou le vert, le rose ou le gris, elle ne veut pas choisir. elle veut aller vers tout, mais quand elle ne peut pas, elle ne va vers rien. ada vogue, et ada se dit qu'en fait, sa vie, elle ne sert à rien. ada veut s'échapper. avec ou sans chevaux. avec ou sans oiseaux. avec ou sans barreaux.