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un) père indifférent, père souvent absent. distance imposée froidement quand il daignait se montrer dans cette vieille bicoque miséreuse qui leur servait de toit à tous les six. à croire qu’il supportait pas de se retrouver au milieu de la marmaille. végéter entre les coussins du canapé et gueuler sur sa femme et ses gosses étaient probablement les deux seules choses qu’il savait faire de mieux. alix, il s’est jamais entendu avec lui. relations catastrophiques brisées, sans aucune possibilité d’hisser le drapeau blanc, sans jamais entrevoir l’idée d’une trêve. c’était la violence des mots aussi aiguisés qu’une lame de couteau crachés à l’autre sans autre optique que celle de blesser au plus profond de l’âme. c’était parfois la violence des coups qu’alix recevait, qu’il donnait parfois aussi. son père, c’est cette rage féroce qui lui mord violemment les entrailles, cette haine qui brûle au fond de ses pupilles à la simple entente de son prénom. c’est le sujet tabou, celui qu’il faut éviter pour qu’alix évite de s’enfermer dans ce monde noirci qu’il s’est créé. (
deux) mère effacé, mère craintive et usée. y a jamais eu de relation privilégiée entre alix et sa génitrice. y avait pas de haine, pas de violence, seulement de l’indifférence. de l’incompréhension. et la situation n’a jamais vraiment changé. au fond. (
trois) alix, il a grandi dans un milieu presque exclusivement féminin. trois sœurs, trois âmes qui l’ont rendu fou des années durant. entre eux, ça n’a jamais été clair. liens houleux. parfois c’était la complicité, l’entraide quand le cocon familial s’effondrait. et puis parfois se supporter devenait trop difficile. quatre caractères difficile à gérer, trop d’étincelles qui menacent d’enflammer le brasier. parce qu’ils ont jamais réussi à s’dire qu’ils s’aimaient. (
quatre) alix c’est l’impulsivité incontrôlable. c’est agir avant, réfléchir après sans se soucier des conséquences de ces actes. c’est le je-m’en-foutisme à l’état pur, la nonchalance frisant l’indécence. c’est cette cancéreuse fumante au creux des lèvres, cet éternel sourire en coin comme si rien ni personne ne semblait avoir d’importance à ses yeux. alix il est instable, inconstant, on sait jamais vraiment où l’attendre ni quand. lunatique à outrance, il dit noir, la seconde d’après ce sera blanc. alix il est de ceux qui aime s’entourer, de ceux qui fuient la solitude dévastatrice. il est de ceux qui refont le monde avec ses potes, à s’encrasser les poumons sous la voûte céleste. il est celui capable de rire de tout, rire de lui. étrangement on dit souvent qu’alix on pourrait le suivre jusqu’au bout du monde sans savoir réellement pourquoi. lui et son petit sourire railleur, sa gueule cassée. il promet rien non alix. les promesses, c’est pour ceux capable de les tenir. alors lui il préfère pas. il préfère pas décevoir, alors il ne dit mot. parfois il est un peu égoïste, parce qu’il réfléchit pas à la portée de ses mots, de ses gestes. il se soucie jamais de ce qu’il fait, de blesser les gens à coups de vérité bien placées. (
cinq) alix il aime jouer. il cherche les limites, pousse dans les retranchements sans se soucier de l’arrivée. des tempêtes qu’il pourrait déclencher. (
six) l’école le pire des fléaux. alix il était pas con. il avait même quelques facilités dans les matières scientifiques. mais il n’a jamais daigné faire un seul effort pour s’en sortir convenablement. non alix, c’était le petit con au fond de la classe. celui qui plaçait toujours un mot plus haut que celui de ses professeurs. viré de cours maintes et maintes fois pour mauvaise conduite, conneries futiles. pourtant il a eu son bac, aussi étonnant que cela puisse paraître. il est passé tout juste alix, parce que quand il commence un truc, il le finit. et qu’il était impensable pour lui de croupir indéfiniment derrière son bureau. alors il a fait quelques efforts, mais aujourd’hui les études c’est bel et bien terminé pour lui. (
sept) il dessine bien alix. depuis tout petit, il noircit des dizaines et des dizaines de papier de ses dessins. c’est probablement une des seules choses qui le détend véritablement, de laisser ses doigts évoluer sur n’importe quelle surface à sa portée. pourtant il en parle jamais parce que son père lui a toujours gueulé avec mépris que c’était synonyme de fragilité. alors il continue de griffonner sans se préoccuper. (
huit) alix c’était ce gosse qui arpentait le bitume usé, celui qu’on voyait trainer un peu partout. il a jamais fréquenté les bonnes personnes, jamais fait les bons choix. son éducation, il l’a tirée de ces journées sans saveur, des deals, des coups portés sur les flancs, des ecchymoses violacées imprimées sur sa peau contre quelques billets sales. c'est là-bas qu’il a tout appris, qu’il s’est endurci. (
neuf) c’est aussi là-bas qu’il y a fait ses meilleures rencontres. ces potes qu’il ne laissera jamais tomber. les nuits passées à voguer, à rire gorges déployées, à se chercher, prendre des risques, se retrouver dans les pires situations qu’il soit. loyauté évidente jamais entachée. (
dix) parce qu’ils se croyaient parfois éternels, tous ensemble, à rôder sous les étoiles. le gang sans peur et sans regret. pourtant la vie a parfois cet arrière-goût amer d’éphémère qui vous ramène brutalement à la réalité. voiture écrasée, accident survenu trop rapidement par une soirée sombre alors que vous rentriez tous ensemble. vous l’avez senti ce souffle mortuaire glissant sur vos échines glacées. pourtant y en a qu’un de vous qui fut emporté. baiser de la mort qui laissa son corps de marbre et vos esprits marqués à jamais. (
onze) alix il a eu du mal à s’en remettre. y a cette rage qui martèle son esprit, l’étouffe, de voir que tout le monde s’en est sorti sauf lui. il a pris de la maturité, s’est enfoncé plus profondément dans l’illégalité. les combats de rue, c’est sa seule manière d’extérioriser, de pouvoir évacuer en malmenant ce corps aux multiplex cicatrices et contusions violacées qui parcourent sa peau. (
douze) alix il a du mal avec l’autorité. c’est l’électron libre, fier de cette indépendance revendiquée. alors quand il commence un nouveau boulot, on le garde jamais vraiment longtemps, et il les enchaine. encore et encore. mais aujourd’hui, y a ce vieil oncle de la famille fraichement revenu sur paris qui a monté son bar récemment et qui a décidé de lui donner sa chance. pour combien de temps.